Page mise à jour le 16 février 2015

Les conseils du psychologue clinicien

Nous avons rencontré un psychologue clinicien qui a accepté de répondre à nos questions et nous apporte ses conseils pour mieux vivre nos maladies au quotidien.

Qui sont ces psychologues cliniciens ? Comment travaillent-ils ?

Pour répondre à ces questions nous avons rencontré Mme Béatrice Monnier, attachée au pavillon Abrami de l'hôpital Beaujon.

AMVF : médecin, personnel soignant, psychologue clinicien : cette trilogie existe au sein d'un hôpital et si le travail des premiers est bien connu il n'en est pas de même de celui du psychologue clinicien.
Il nous paraît important d'expliquer aux malades des vaisseaux du foie quelle est votre place et votre rôle. Comment fonctionnez-vous ?
B. Monnier : Cela fait maintenant plusieurs mois que je suis à ce poste. Ma démarche est d'aller à la rencontre des patients atteints de maladies du foie : hommes, femmes, de tous âges, de tous milieux sociaux et culturels.
L'équipe est composée de médecins, d'infirmières, d'une secrétaire. Je peux être amenée à participer aux consultations des hépatologues, ce qui me donne l'occasion de me présenter aux patients. Au travers de la participation à ces consultations et des échanges avec les patients, les familles et les professionnels de ville, des pistes de travail se dessinent pour proposer une offre d'écoute sous forme d'entretiens individuels.

AMVF : Comment vous positionnez vous dans le cycle de la maladie ?
B. Monnier : Je désignerais trois moments propices dans le cycle de la maladie : avant le traitement, pendant le traitement et en cas d'évolution de la maladie.
AVANT LE TRAITEMENT (la première consultation en milieu hospitalier)
Le premier entretien peut se dérouler avec le médecin ou seule avec le patient. Il semble opportun de rencontrer le patient sur un ou deux entretiens avant de débuter le traitement pour faire connaissance, avoir une idée des problématiques : Quand a t-il connu le diagnostic ? Dans quelles conditions ? A-t-il eu des difficultés avec le vocabulaire afférent à sa pathologie ? Quel impact a eu l'annonce du diagnostic sur le fonctionnement psychique du patient ? Ce qui sous-tend l'élaboration psychologique possible de scénarii angoissants. Quel soutien apporte l'entourage familial et professionnel ? Comment s'inscrit-il dans cette démarche de soins ?
L'objectif est de préparer cette étape, d'apprécier l'adhésion au traitement et de prévenir les troubles éventuels. Ne pas se rencontrer seulement lors des moments difficiles, mais être déjà dans un état de dialogue. C'est quelquefois la première expérience d'un contact avec une psychologue pour certains patients.
Ce temps peut servir, également, à orienter un patient à l'extérieur pour différentes raisons (exemple géographique). Il peut être une médiation possible pour une consultation psychiatrique, si un secours médicamenteux s'avère nécessaire à un moment donné, par exemple, dans le cas d'une dépression réactionnelle ou en présence d'une décompensation psychiatrique, voire de troubles de la personnalité. Cela ne veut pas dire que le suivi psychologique est interrompu mais cela peut être une transition pour préparer la rencontre avec le psychiatre, pour dédramatiser, ou si nécessaire organiser une prise en charge psychiatrique conjointe au suivi psychologique. Le patient peut être reçu dans un cadre psychothérapique, ce qui signifie des entretiens réguliers, mais également dans un cadre
plus ponctuel en fonction de l'envahissement affectif du patient, à un moment donné, qui nécessite une "décharge" que peut contenir la psychologue.

AMVF : Quelle est la finalité de ces entretiens ?
B. Monnier : Ces entretiens ont pour but de diminuer l'anxiété, d'accueillir les crises d'angoisse.
Je présente ces rencontres aux patients comme un "lieu pour se poser, déposer et se reposer."
Il est essentiel d'aborder et de reprendre avec !e patient, le ressenti et les répercussions liés à la maladie chronique. Les patients que je reçois organisent leurs rendez-vous en associant, successivement, la consultation avec l'hépatologue puis l'entretien psychologique, où nous commentons ensemble !es informations reçues, les inquiétudes, les doutes ou les encouragements associés à des résultats positifs.
A ce propos, la psychologue peut avoir un rôle d'information sur les effets secondaires, mais renvoie vers le médecin lors de troubles spécifiques.

AMVF : Mais est ce toujours vous qui faites la première approche ?
B. Monnier : Je suis sur le terrain, proche des malades. Lorsqu'une souffrance est identifiée par l'environnement médical elle m'est signalée et je fais l'approche. Par contre les malades qui sont au courant de l'existence du psychologue clinicien viennent vers moi.

AMVF : Revenons dans le cycle de la maladie
PENDANT LE TRAITEMENT
B. Monnier : L'entretien est souvent envahi par les ressentis corporels provoqués par les effets secondaires liés au traitement, ce qui ne permet pas toujours d'accéder aux affects. Pour que le patient supporte le traitement dans les meilleures conditions, le cadre proposé est d'établir un lieu de soutien pour repérer les différents effets secondaires, les nommer, faire la part entre ce qui est dû au traitement, à la maladie et ce qui revient à la personne.
Les principaux effets secondaires psychologiques retrouvés sont :
- Troubles de l'humeur : dépression, labilité émotionnelle, irritabilité, susceptibilité ;
- Asthénie : épuisement physique, décalage entre les potentialités physiques très largement diminuées et !a « cogitation intellectuelle » ;
- Troubles du sommeil (réveils nocturnes, insomnies, cauchemars) ;
- Troubles de la mémoire (difficulté de concentration).
La liste n'est pas exhaustive.
Nous accompagnons le patient là où il en est, en balisant sa trajectoire, c'est à dire en travaillant les différents affects (la honte, la culpabilité...), les différentes représentations et les fantasmes (être malade, la guérison, la mort,...).
Le traitement peut être éprouvant et perturber la dynamique de vie du patient, il faut donc être attentif et prendre en compte les répercussions familiales, professionnelles et sociales.
Le psychologue étant un élément neutre, à l'écoute, le patient se « videra ».
LA MALADIE EVOLUE
Il semble important, tout particulièrement à ce moment précis, d'accroître la vigilance vis à vis des patients. Certaines maladies des vaisseaux du foie peuvent évoluer et ne plus se satisfaire des
traitements classiques à base d'anticoagulants.... Un TIPS est prévu, une transplantation est envisagée, et là démarre un protocole de préparation générateur de nouvelles souffrances et de questions relatives à l'opération elle-même, au greffon, à l'attente.... Cette période est psychologiquement très lourde. A ce stade un travail d'accompagnement de la personne par le psychologue clinicien est indispensable. Il faut lui redonner sa place de sujet et non la réduire à être malade des vaisseaux du foie. Lors de crises particulières de la vie, il est utile de les travailler intensément, pour permettre des remaniements psychiques importants.

AMVF : Comment peut-on évaluer les bénéfices de l'action du psychologue clinicien ?
B. Monnier : La psychologie n'est pas une science exacte. La diversité humaine est une réalité. Les bénéfices ne sont pas immédiats, certains les trouvent, d'autres pas. Comme dit Monsieur W. "A quoi ça sert ?", "j'ai rien à dire". Mais après quelques entretiens, suite à ma proposition d'espacer les rendez vous, il refuse, et avance comme argument "parler ici, ça me soulage".

AMVF : Finalement j'ai l'impression que dans un monde où la cacophonie règne, le psychologue est l'ultime recours à l'écoute. Les explications apportées permettent d'éclairer chacun sur le rôle des psychologues cliniciens et ainsi de nous les rendre plus accessibles.
Il est bon de rappeler que deux psychologues cliniciens sont attachés au secteur hépathologique à l'hôpital Beaujon : Béatrice Monnier (Pavillon Abrami) et Gaëlle Roig (Pavillon Sergent).
L'AMVF remercie Béatrice Monnier d'avoir bien voulu répondre à nos questions.


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